La tisseuse de bonne aventure

Rêverie au clair de lune, peuplée de soeurs-cières enivrées. Elles nous guident jusqu'à "l'orée du jour premier" pour nous parler de l'Unité.
Paysage de nuit en noir et blanc avec un arbre et son reflet dans l'eau
Source image : https://pxhere.com/en/photo/1327746

C’est la moisson, c’est la rivière
Qui se retire en offrant
Le limon tiré de sa chair
Le lait qui jaillit de son sein

Et le sang qui rougit les langes
De la femme feulant sous l’éclat
De la lune qui verse ses anges
Le long des berges du lac

Et la main qui guide les chats
À se rapprocher encore
Pour écouter la mise à mort
De ce que la nuit enterre
Et que le silence décore

Toutes ont bu solennellement
Dans une corne renversée

Et le liquide a réchauffé
Les lèvres les joues et les mœurs
Et le liquide a taché
La blancheur qui drape les corps

Fibres de lin, rêche dentelle
Demain elles vont à la rivière
Rire de leur maladresse
Et laver leur flancs et leurs fesses

Et puis flotter tout en rêvant
À des étoiles futures
Qui se reflètent dans l’œil noir
De celles dont le lieu de prière
Est partout dans la nature

Et toutes les églises ouvertes
Et tous les temples où le vent
Amène le souffle des mosquées

Et toutes les grottes s’entremêlent
Aux plus lointains glaciers

Les cendres des tours jumelles
Les briques de tous les musées

Et les fils barbelés sous le ciel
Deviennent du fil à tricoter

Et le sourire d’une dent blanche
Et celle d’une dent usée
Prononcent leurs vœux de noces
Et s’apprêtent à s’embrasser

Tout veut s’unir et se rapproche
Tout s’agglomère et se condense
Comme à l’orée du jour premier

Et tout cela vit dans ma poche,
malgré qu’elle soit un peu trouée,
Dans une petite pierre idiote
Que j’égrène comme un chapelet !

Et moi qui use mes souliers
Le long du vieux chemin terreux ;

Et le merle bleu qui sifflote
Comme pour en-chanter le jour ;

Et moi qui vais léger portant
Tous les horizons dans ma hotte ;

Et une tirade, une accroche
Que je note dans mon cahier –

Rien d’autre n’agite ma tête
Que le vent frais dans mes feuilles blanches

Et je soulève ma casquette
A tous les 4 coins de rue
Où un être à pattes ou à plumes
Me fait l’honneur de sa présence
Dans notre Jardin partagé ;

Et c’est déjà la fin du jour
Et l’espoir d’un autre demain
Goûter encore avec amour
Les bonheurs simples du Chemin.

Amen

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