C’est la moisson, c’est la rivière
Qui se retire en offrant
Le limon tiré de sa chair
Le lait qui jaillit de son sein
Et le sang qui rougit les langes
De la femme feulant sous l’éclat
De la lune qui verse ses anges
Le long des berges du lac
Et la main qui guide les chats
À se rapprocher encore
Pour écouter la mise à mort
De ce que la nuit enterre
Et que le silence décore
Toutes ont bu solennellement
Dans une corne renversée
Et le liquide a réchauffé
Les lèvres les joues et les mœurs
Et le liquide a taché
La blancheur qui drape les corps
Fibres de lin, rêche dentelle
Demain elles vont à la rivière
Rire de leur maladresse
Et laver leur flancs et leurs fesses
Et puis flotter tout en rêvant
À des étoiles futures
Qui se reflètent dans l’œil noir
De celles dont le lieu de prière
Est partout dans la nature
Et toutes les églises ouvertes
Et tous les temples où le vent
Amène le souffle des mosquées
Et toutes les grottes s’entremêlent
Aux plus lointains glaciers
Les cendres des tours jumelles
Les briques de tous les musées
Et les fils barbelés sous le ciel
Deviennent du fil à tricoter
Et le sourire d’une dent blanche
Et celle d’une dent usée
Prononcent leurs vœux de noces
Et s’apprêtent à s’embrasser
Tout veut s’unir et se rapproche
Tout s’agglomère et se condense
Comme à l’orée du jour premier
Et tout cela vit dans ma poche,
malgré qu’elle soit un peu trouée,
Dans une petite pierre idiote
Que j’égrène comme un chapelet !
Et moi qui use mes souliers
Le long du vieux chemin terreux ;
Et le merle bleu qui sifflote
Comme pour en-chanter le jour ;
Et moi qui vais léger portant
Tous les horizons dans ma hotte ;
Et une tirade, une accroche
Que je note dans mon cahier –
Rien d’autre n’agite ma tête
Que le vent frais dans mes feuilles blanches
Et je soulève ma casquette
A tous les 4 coins de rue
Où un être à pattes ou à plumes
Me fait l’honneur de sa présence
Dans notre Jardin partagé ;
Et c’est déjà la fin du jour
Et l’espoir d’un autre demain
Goûter encore avec amour
Les bonheurs simples du Chemin.